Compte rendu des Assises de l’éducation prioritaire : pour FO, c’est encore un outil pour casser le statut

Notre fédération la FNEC FP FO était invitée aux assises de l’éducation prioritaire organisées à Toulouse le mercredi 20 novembre qui regroupaient l’académie de Toulouse, de Montpellier et de Clermont-Ferrand.

Ces assises ont eu le mérite de la clarté : pendant 4 h, il n’a été question que de territorialisation, PEDT et intégration des « acteurs » et des « partenaires » extérieurs à l’école, d’expérimentation, de contrat d’objectif, d’autonomie des écoles, d’échange de service inter-degré école-collège, de reconcentration des moyens c’est à dire de réduction du nombre d’écoles relevant de l’éducation prioritaire…

Le Snudi FO est intervenu pour réaffirmer l’attachement des personnels (qu’ils travaillent dans l’éducation prioritaire ou non) au cadre national de l’école et à leur statut de fonctionnaire d’État (lire la déclaration en fin de mail et en pièce jointe).

Voici un compte rendu (non-exhaustif) de ces assises :

La rectrice de l’académie de Toulouse a introduit les débats en indiquant qu’il fallait d’avantage concentrer les établissements de l’éducation prioritaire, qu’il y en avait trop actuellement. Elle est consciente que réduire ne se fera pas facilement avec les personnels qui perdraient un certain nombre d’avantages. Pour repenser le zonage, cela doit se faire au niveau local et pas national.

La rectrice de l’académie de Clermont-Ferrand a poursuivi en indiquant qu’il fallait œuvrer au rapprochement scolaire/périscolaire et que l’éducation prioritaire pouvait être une entrée pour cela. Elle a rappelé la nécessité des contrats d’objectif et des conseils inter-degré.

La rectrice de l’académie de Montpellier a quant à elle salué le « vivier d’expérimentation et d’innovation » que constituerait l’éducation prioritaire. Elle a indiqué que pour elle, il fallait tout décloisonner et rompre avec la hiérarchie des disciplines [Ndlr : comprendre liquider les enseignements disciplinaires du 2nd degré] et travailler en projet. Elle rappelle que la difficulté scolaire doit avant tout être traitée dans la classe grâce à des pratiques pédagogiques innovantes…

Trois films présentant des expérimentations sont ensuite projetés :
Le 1er (Allier) présente une aide aux leçons qui accueille les parents dans l’école. On ne sait pas dans ce film de quel temps il s’agit (classe ? Étude surveillée ? APC ? Volontariat après la classe ?..)
Le 2ème (Hérault) montre le fonctionnement de classes de 6ème « inter-degré » animées par 5 professeurs des écoles au lieu d’enseignants du 2nd degré.
Le 3ème (Haute-Garonne) décrit « une semaine en résidence » d’une classe de CM1-CM2 dans un collège.

Trois représentants des académies font ensuite le bilan de la demi-journée de concertation sur l’éducation prioritaire : il y aurait un grand consensus, les enseignants qui ont beaucoup apprécié d’être consultés revendiqueraient de l’autonomie, demanderaient à pouvoir expérimenter, voudraient être pilotés, voudraient mettre en œuvre l’inter-degré… Le rapporteur pour l’académie de Toulouse précise même que les enseignants revendiqueraient des postes à profil pour stabiliser les équipes (!).
Il est tout de même reconnu que la réduction des effectifs, les décharges pour les directeurs, la destruction de l’enseignement spécialisé et des RASED ont été au centre des débats.

S’en suit quelques interventions dans la salle dont celle de FO (lire à la fin) et de la FSU qui indique que Monsieur Hollande s’était engagé à supprimer le dispositif ECLAIR. La FSU rappelle son opposition [Ndlr : que nous partageons] à ce dispositif et aux primes arbitraires. Elle demande que si la cartographie de l’éducation prioritaire est redéfinie, le nombre d’établissement ne soit pas défini à l’avance. Elle demande également que les primes soient étendues au personnel non-enseignant.

Ces assises se prolongent par deux tables rondes.

La première table ronde traite de la difficulté scolaire. Des principaux de collège pour la plupart expliquent les expérimentations qu’ils mettent en œuvre dans leurs établissements : suppression des notes, prises en charge d’élèves par des intervenants extérieurs…

La deuxième table ronde concerne les « partenaires » de l’école.
Interviennent un haut gradé de la police et un directeur de la banque de France qui décrivent leur partenariat avec l’éducation nationale.
La représentante de la Haute-Garonne de la FCPE intervient ensuite. Elle rappelle que les parents ont du mal à venir à l’école dans l’éducation prioritaire et précise que la place des parents est maintenant définie par la loi (de refondation). Elle précise que la mise en œuvre des projets éducatifs territoriaux vont permettre la coéducation avec les parents et les personnels de mairie. Elle se félicite de cet outil pour ouvrir l’école sur le territoire. Pour elle, le projet d’école qui découle du projet territorial devra être transversal avec le périscolaire et les temps comme la cantine. Tous les acteurs devront être impliqués.
Un représentant de la mairie de Toulouse indique que le projet éducatif territorial (PEDT) est en cours de construction à Toulouse. Il cite « qu ‘il faut tout un village pour éduquer un enfant » et que tout le monde a sa place dans le PEDT toulousain. Selon lui, l’éducation ne s’arrête pas aux apprentissages et il faut rassembler tous les « partenaires » autour d’un dispositif de réussite scolaire.
La conclusion revient à un inspecteur général qui se déclare heureux que l’on puisse discuter avec les « partenaires » et précise qu’il faut faire entrer en jeu l’ensemble de ces « partenaires » au sein des parcours, qu’on peut réaliser un coaccompagnement avec les collectivité territoriales, les services de l’État, les associations.
Il faut selon lui passer du projet proposé (par l’éducation nationale) au projet partagé (coécrit avec les « partenaires »).
Enfin, il convient pour lui de « sortir du territoire balisé de l’éducation nationale ».

Déclaration de la FNEC FP FO aux assises de l’éducation prioritaire le 20 novembre à Toulouse

Des journées banalisées se sont déroulées en septembre et en octobre à la demande du ministre pour « recueillir réflexions et suggestions ». FO rappelle que tout cela se tient dans le cadre de la « modernisation de l’action publique » (« les assises de l’éducation prioritaire ont pour objectif de faire partager le diagnostic établi dans le cadre de la modernisation de l’action publique »).
Aujourd’hui des assises académiques se réunissent pour « des pistes d’évolution de la politique d’éducation prioritaire annoncées début 2014 pour une mise en œuvre à la rentrée 2014 » avec pour objectifs :
– faire sortir des centaines d’établissements de l’éducation prioritaire, c’est-à-dire supprimer les bonifications indiciaires, les primes, les avantages spécifiques d’ancienneté, les points pour les mutations,
– supprimer des décharges statutaires des certifiés et des agrégés, piste déjà évoquée lors de l’audience FO le 2 octobre, il s’agit de « remettre à plat » les décrets du 25 mai 1950,
– instituer des zones franches en matière de carrière et de droit statutaire sur le modèle du dispositif Eclair.

Pour le Ministre, il s’agit de mettre en adéquation, territorialisation de l’école, projet éducatif, collectivités territoriales et socle de compétences.
Qu’on regarde bien les items des assises académiques de Créteil, par exemple : « Quels sont les indicateurs à prendre en compte pour déterminer les écoles et les collèges qui doivent bénéficier de l’Education prioritaire ? Jusqu’où aller dans la convergence avec la politique de la ville ?. Comment y associer les collectivités territoriales et la politique de la ville ? Quelles spécificités de nomination, quelles incitations pour le développer ? La culture commune : quelles disciplines y contribuent-elles ? »
Tout est dit : faire prendre en charge par les personnels et les organisations syndicales la « sélection » des établissements de l’éducation prioritaire, faire converger l’école et la politique de la ville en y associant les collectivités territoriales autorisées de par la loi Peillon à signer avec les établissements des contrats tripartites, casser le statut des personnels et éradiquer des disciplines ne relevant pas de la « culture commune » !

Le ministre veut renforcer la territorialisation, la déréglementation, rogner encore davantage les quelques droits et moyens supplémentaires accordés à l’éducation prioritaire et remettre en cause les droits et statuts de tous.
Il voudrait dresser les personnels les uns contre les autres qu’il ne s’y prendrait pas autrement.

FO est présente dans ces assises pour rappeler au recteur, aux personnalités ici assemblées, aux différents acteurs convoqués :
– la grève massive du 14 novembre pour la suspension immédiate de la réforme des rythmes scolaires et l’abrogation du décret du 24 janvier 2013 est la démonstration que les personnels veulent faire échec à la politique de territorialisation de l’école et de dislocation du statut national.
Les revendications exprimées le 14 novembre par les personnels du premier degré rejoignent totalement celles de tous les personnels.
– le ministre, le 18 novembre, a réuni les organisations syndicales pour « faire des propositions sur les missions et le statut des personnels. »
D’ores et déjà, tout ce qui est annoncé se concentre sur la baisse des décharges horaires des personnels des établissements dans le second degré et l’évolution de certains corps comme celui des agrégés (rapport des inspecteurs généraux sur « l’évolution des agrégés et la place de l’agrégation » pour « un concours de l’agrégation à faire évoluer » ) et des missions.
D’ores et déjà, sont annoncées des mesures pour certains personnels des établissements de l’éducation prioritaire.
D’ores et déjà, les personnels du premier degré seraient exclus et le second degré fournirait par la baisse des décharges « des moyens » pour les établissements dits difficiles, mais dont la carte serait redéfinie.
Pour FO, nous le rappelons, et nous insistons, il s’agit de dresser les personnels les uns contre les autres avec au passage la baisse de leurs droits et de leurs acquis statutaires. Il s’agit d’aller vers l’annualisation des services, un « statut unifié » (conformément au rapport Pêcheur) que ce soit dans le premier et le second degrés, de redéfinir les missions des uns et des autres.
A travers l’éducation prioritaire surgit la réforme des statuts et des missions et l’éclatement des écoles de la République.
FO maintien son opposition
– à l’éclatement de la définition des obligations de service selon le type d’établissement,
– à leur définition locale ou territoriale (lettre de mission ou autre), aux services croisés école-collège,
– aux projets éducatifs territoriaux et l’éclatement de l’école de la République,
– à toute annualisation ou polyvalence, tout alourdissement du temps de présence dans les établissements.
FO revendique

– la suspension de la réforme des rythmes scolaires et l’abrogation du décret du 24 janvier 2013,
– le maintien des statuts de chaque corps et des obligations de service qui leur sont liées,
– le maintien des services définis nationalement en maxima hebdomadaires d’heures d’enseignement disciplinaire : c’est le sens de notre défense des décrets du 25 mai 1950,
– le maintien de toutes les décharges statutaires,
– le rétablissement des RASED
– la défense des classes et établissements spécialisés
– le maintien de la liberté pédagogique individuelle,
– le maintien des horaires et programmes nationaux.
– l’augmentation des salaires et la revalorisation du point d’indice

Or, la loi de finances 2014 indique 123 emplois en moins dans les collèges, 198 dans les lycées professionnels, 345 dans les lycées alors que les effectifs augmentent partout à la rentrée 2014. Après avoir supprimé 2 000 assistants pédagogiques à la rentrée 2013, aucun poste d’AED n’est créé pour la rentrée 2014.
Depuis 2003, 3090 personnels administratifs ont disparu des établissements scolaires…
A titre d’exemple dans le premier degré à Toulouse, une école de Bagatelle avec de nombreux élèves en difficulté est passée en deux ans de 60 élèves pris en charge par l’enseignant spécialisé maître E à 10 et de 10 élèves pris en charge par l’enseignant spécialisé rééducateur à 0 ! Comment cela pourrait-il être sans conséquence sur le niveau des élèves, sur leur comportement, sur le fonctionnement de l’école ?
Encore à Toulouse, de nombreux directeurs d’écoles importantes de l’éducation prioritaire n’ont toujours pas de décharge totale. Comment peuvent-ils dans ces conditions assurer la tenue des équipes éducatives et de suivi (parfois 200 dans l’année), régler les conflits entre élèves, recevoir les parents, tout cela en plus de leur tâches administratives et de leur classe ?
Toujours dans le premier degré en Haute-Garonne, deux postes de titulaires remplaçants ont été supprimés à la rentrée 2013 alors que le département accueille plus de 2000 élèves supplémentaires. Comment peut-on enseigner dans les classes de l’éducation prioritaire (comme dans les autres classes d’ailleurs) avec des élèves répartis en permanence au fond des classes pour cause d’enseignant absent et non remplacé ou parce qu’un collègue se rend à une équipe éducative et qu’aucun remplacement n’est prévu ?
Ce sont ces problèmes là qu’il faut régler et pour cela, oui, il faut des moyens pour les élèves en difficulté, oui, il faut des moyens dans les quartiers difficiles.
Mais pour FO, ce n’est pas dans le cadre de la Modernisation de l’Action publique, ni dans celui de l’éclatement de l’École de la République et de son cadre national, ni en explosant les statuts des uns et des autres que la solution sera trouvée. Il importe tout au contraire, que recteur et ministre répondent favorablement aux revendications exprimées par les personnels depuis de nombreuses années.

POUR DÉFENDRE LE CADRE NATIONAL DE L’ÉCOLE

POUR DÉFENDRE NOTRE STATUT DE FONCTIONNAIRE D’ÉTAT

ADHÉREZ, FAITES ADHÉRER AU SNUDI FO